Je suis ce que je panse

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Entre deux parties de belotte, René Descartes proclamait :  » Dis-moi ce que tu penses, je te dirai qui tu es « . Brillat-Savarin lui a retorqué : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ». Le cousin de Nietzsche, après avoir proclamée la mort de Dieu leur dit :  » « Dis-moi ce qu’est ta panse, je te dirai ce que tu pètes ». Mais si Dieu n’existe pas et que l’âme est un fantôme, qui suis-je ? Que mange-je ? que pète-je ? S’il ne reste à l’homme que son corps, la pensée ne vient plus du cerveau. Si je ne suis rien d’autre qu’un amas de matière, alors je dois être attentif à ce que je fais entrer en moi, à la manière dont je régénère mes tissus, dont je fais varier le cours de mes pensées par l’absorption d’alcool, dont je m’excite par le café, et dont je renouvelle mes forces par les sucres et les viandes. Je panse donc j’ai un estomac !

Ma religion, je suis athée pratiquent, me recommande de prendre soin de ma vie spirituelle, de faire chaque jour mon examen de conscience pour veiller à ce que mes pensées ne soient pas impures. Perso, j’ai fait un transfert sur la nourriture. Apprendre à manger, c’est modeler son être en profondeur, c’est cultiver son intériorité. Nietzsche déplorait d’avoir mis des années à comprendre les méfaits de la cuisine allemande qui multiplie les hérésies, « des viandes bouillies, deslégumes gras et farineux, des libationstrop fréquentes qui font des tripes dérangées… » L’esprit allemand est une indigestion, son football aussi ! De même que les bigots poussaient trop loin leur examen de conscience et s’accablaient à confesse de péchés imaginaires, de même ceux qui se conforment au diktat de la mode, à l’injonction de rester mince, risquent fort de détruire en eux toute disponibilité pour les plaisirs de bouche. L’heure est à la multiplication des chapelles gastronomiques et des dogmes nutritionnels. Le banquet, invitation expresse à l’intempérance comporte pourtant, outre l’agrément purement physique, une fin morale, à savoirque beaucoup d’hommes, en ripaillant, côte à côte, découvrent leurs dents sans que l’idée ne vienne à personne de dévorer son voisin. Le vin jouant son rôle de lien social à merveille. C’est ce que je me disais en essayant de finir ma salade de fruits, après avoir ingurgité un plateau de charcuterie, 3 croissants au jambon, des artichauds, des tomates, un dos de cabillaud, du riz, des pâtes, des crevettes, un tartare, une salade, deux tartines de truffes, des asperges, du magret de canard, des cerises, du comté de 12 mois, du comté de 24 mois et surement de petites choses dont j’ai oublié l’existence. Et je ne vous parle même pas des 28 bouteilles qui flottent encore au fond de ma gorge. Un seul adjectif possible : Gargantuesque !

Un crémant rosé d’Alsace 100% Pinot Noir, une robe saumonée, une bulle fine, un nez très aromatique de fruits rouges, de citron, racine, paille et beurre rance. Petite amertume en bouche un rien dérangeante et un brin d’acidité qui équilibre l’ensemble.  Bien Brut nature rosé Domaine Dirler-Cadé

Note : 2 sur 5.

Cette cuvée 100% Pinot Noir, Extra Brut, dosée à 1g/l, est un rosé de saignée qui dévoile des arômes simples et francs de fruits rouges et d’épices. Un vin gourmand en attaque mais un peu vert sur la finale. Bien Champagne Incandescent Mouzon Leroux

Note : 2 sur 5.

Un Spumante culte en Italie, des bulles fines, un nez sur des notes d’amande, d’agrumes, de fleurs blanches, d’orge et de gingembre. Une bouche ronde, gourmande, une belle texture crémeuse et élégante. La finale est harmonieuse, longue et saline. Excellent Riserva del Fondatore 2010 Giulio Ferrari

Note : 4 sur 5.

Superbe nez poivré, minéral (calcaire), fleurs blanches, nectarine, pomme verte, citron et pain grillé. En bouche, la rondeur est rassurante, de fines bulles soyeuses, une souplesse et une belle finale minérale. Excellent Clos des Goisses 2007 Champagne Philipponnat

Note : 4 sur 5.

La colline du Bastberg est plus réputé pour ses histoires de sorcières que pour son vin. Charles et Julien, la nouvelle génération de Soiffards, ont élaboré un Sylvaner aux accents de Sauvignon.  Le nez est original, très aromatique, sur des notes de genêt, de buis, d’agrumes et d’acacia. La bouche est vive, agréable avec une petite touche de sucre et d’amertume sur la finale. Un sylvaner pour la soif. Merci à lui. Très bien Sylvaner Bastberg

Note : 3 sur 5.

Un nez de pétard, de noisette grillée, d’agrumes, de poire et de fleurs blanches. La bouche pure et précise balance entre fraicheur et tension, c’est ample et ça termine sur de belles notes salines. Très bien. Chardonnay Lias 2016 Domaine labet

Note : 3 sur 5.

Un nez pas très causant au départ, qui va s’ouvrir sur des notes de coing, de mirabelle, de grillé et de paille fraiche. La bouche est suave et longiligne, tendue par une belle acidité qui étire une longue finale minérale. Je n’ai pas reconnu Bernaudeau, mais cela reste une jolie bouteille. Très bien Terres Blanches 2015 Domaine Bernaudeau

Note : 3 sur 5.

Joli nez beurré sur les agrumes, la noisette, les épices et la menthe fraiche. Les notes d’agrumes se retrouvent en bouche, accompagnées de délicates touches florales. C’est tendu, droit avec une belle finale calcaire. Très bien Brézé 2013 Domaine Guiberteau

Note : 3 sur 5.

Le Brézé des frères Foucault est un monument de Loire issu d’une parcelle de 1,5 ha, sur le grand cru calcaire de Brézé. Le nez est explosif, complexe, sur des notes de coing, de poire, d’agrumes, de chèvrefeuille, de vanille, de noyau d’abricot, de miel rehaussé de notes exotiques et calcaires.  En bouche, le chenin s’exprime merveilleusement bien. C’est miellé, ample, très mûr, légèrement grillée avec une touche saline et iodée. L’équilibre entre fraîcheur et maturité, est parfaite et s’étire longuement. La référence absolue en matière de chenin Ligérien, encore un Foucault qui remet les pendules à l’heure. Grand vin Brézé 2007 Clos Rougeard

Note : 5 sur 5.

Un nez classique de Meursault, chèvrefeuille, noisette, agrumes, poire et une petite touche mentholée. Une bouche à la fois grasse, ample, légèrement beurrée et tendu par une belle acidité qui tire le vin vers des contrées exotiques. Très bien Meursault Genevrières 2011 Domaine Rémy Jobard

Note : 3 sur 5.

Cette Montée de Tonnerre a une descente facile. Elle commence par des belles notes de zeste de citron, de pamplemousse, de fleur de cerisier japonais et de cire d’abeille. La bouche est parfaitement équilibrée. C’est ample, précis avec des notes salines et une longue finale. Excellent. Chablis Montée de Tonnerre 2010 Domaine Raveneau

Note : 4 sur 5.

C’est au Cinqueterre, au milieu d’un paysage à couper le souffle, qu’Elio Altare, l’un des très bons producteurs de Barolo, a voulu faire revivre ce vignoble disparu. Bosco et albarola sont les deux cépages endémiques utilisés pour ce vin. Malheureusement, ce vin est un peu passé, une couleur orange, des notes de vieux vin, champignon, épices, fruits secs, humus et une acidité proche du vinaigre. Bof Cinqueterre DOC 2009 Elio Altare

Note : 1 sur 5.

100 % Malvoisie. Une robe orange, un nez très Gewurtz, très aromatique, sur le litchi, les fruits exotiques et de zeste d’orange. En bouche, la longue macération pelliculaire donne une forte sensation d’amertume, d’astringence. C’est déstabilisant et nuis fortement à la dégustation. Un vin rouge habillé de blanc élaboré comme autrefois. Pour afficionados. Bien Malvasia Vino del Poggio Andrea Cervini

Note : 2 sur 5.

Une robe jaune paille, un nez pas très causant au départ qui s’ouvre sur des notes de vanille, d’amandes, d’agrumes, d’abricot, de poire très mûre, de fruits secs, de tilleul et une touche de truffe blanche. La bouche est très ample, ronde, solaire avec une acidité faible et une minéralité marquée sur la finale. Un vin marqué par son millésime très chaud mais qui ne manque pas de complexité. Excellent Hermitage Le Méal 2009 Domaine Chapoutier

Note : 4 sur 5.

Un peu le même profil que le Méal, vanille, poire, truffe blanche réhaussé par du miel d’acacia, des fleurs blanches, le coing et une touche de suie. La bouche est puissante, volumineuse, mais reste fraiche et la finale ajoute une note minérale. Excellent Hermitage Ex-Voto 2007 Guigal

Note : 4 sur 5.

Cette soirée pantagruélique est arrivée un de ces jours où la grisaille ambiante incite à la mélancolie et à acheter des tas de trucs peu diététiques pour mettre un peu de gras dans ma vie. Oui, quand je vais mal, je mange une Morteau au « ptidèj ». A l’aulne de cette révélation, vous allez, sans aucune honte, posé un regard plein de reconnaissance, de concupiscence, d’amour et de désir charnel sur la saucisse de Morteau qui somnole gentiment sous le nombril de votre bouchère, enfin sur son étal, sinon ce n’est pas vraiment une bouchère ! Ce noble boyau jurassien peut vous sauver la vie de manière bien plus voluptueuse et épicurienne qu’un vulgus cachet de Laxaron. La Morteau franc-comtoise est, pour la charcuterie, l’équivalent, dans le monde de l’art, de Kurt Cobain, James Dean, Van Gogh ou Mozart. Eux aussi sont morts tôt. Il existe même de la Morteau au Comté, quand j’ai découvert ça, j’ai failli devenir croyant. Je vous conseille de déguster votre Morteau accompagnée d’un apprêt royal, un tapis majestueux de lentilles vertes du Puy avec une pointe orientale de coriandre, une touche extrême orientale de Wasabi et un souffle de fantaisie avec quelques fleurs d’ail des ours. Les moins mou du bulbe auront noté qu’en remplaçant le wasabi par de la moutarde et la coriandre par du persil, on obtient la plus couillonne des saucisses aux lentilles. Mais avouer que ça le fait grave, un poème dans une assiette, vous avez remarqué que les plats dont les noms sont extrêmement longs à lire sont souvent incroyablement rapides à engloutir, demandez à « Obelix JeanDa » si vous avez un doute.

Un nez de rafle, de prune, de quetsche, de framboise et d’épices douces. En bouche, le style de l’époque se ressent avec un aspect gibier fourrure. En bouche, les tannins sont encore marqués, des amers et une petite sucrosité sur la finale. Bien Pommard Les Rugiens 1978 Domaine Parent

Note : 2 sur 5.

Ce Latricières a des accents de pot au Feu, de livèche, de ronce, de clou de girofle et de cerise noire. En bouche, c’est puissant, la matière est dense, c’est équilibré par une fine acidité  et la finale est minérale. Très Bien Latricières Chambertin 2010 Domaine Rossignol Trapet

Note : 3 sur 5.

Joli nez de cerise, de framboise, de ronce, de menthe et de mélisse. La bouche est ample, bien équilibrée par une belle acidité, l’élevage est en retrait , les tannins sont crémeux et la finale est gourmande et longue. Excellent Morey St Denis Clos de la Roche 2010 Dominique Laurent

Note : 4 sur 5.

Un nez sur la violette, la mûre, le romarin, la menthe et un côté très viandé et graphite. La bouche est assez fine, très digeste, gourmande, les tanins sont légers, l’acidité porte la belle finale minérale. Très Bien Hermitage 2016 Dard et Ribo

Note : 3 sur 5.

Un nez de cerise kirchée, des épices orientales, des fruits noirs, un fond fumé, du cuir, de la suie, du graphite et des notes viandées et sanguines. Une bouche marquée nature, franche, sans déviance, des tanins soyeux, ample mais avec de la fraicheur, sur la myrtille et avec une finale fraiche et tendu. Très bien Côte-Rôtie  So’Brune 2019 Domaine Stephan

Note : 3 sur 5.

Un canon qui sonne comme du Mozart après du Deep Purple, faut oser !  Le nez de ce canon est encore très jeune, cassis, prune, cerise, framboise, boite à cigare, cuir et épices douces. La bouche est riche et pleine, les tannins sont fondus, veloutés et ronds à souhait. Belle allonge. Un beau St Émilion encore en pleine forme. Excellent Saint Émilion Canon La Gaffelière 2000

Note : 4 sur 5.

Une robe brillante, rubis, un nez charmeur, racé, élégant et complexe, sur la violette, la rose fanée, la cerise noire, la myrtille, la minéralité empyreumatique (suie, âtre), le poivre noir, le graphite … On ne se lasse pas de remettre son nez dans le verre. La bouche est encore d’une jeunesse phénoménale, pas une ride, c’est fin, les tannins sont denses et soyeux, l’acidité marquée et la finale majestueuse. Encore une très grande Côte Brune de JP Jamet, un archétype, un modèle. Grand Vin Côte-Rôtie Côte Brune 1999 Domaine JP Jamet

Note : 5 sur 5.

Reste à digérer cette dantesque soirée. J’ai longuement hésité entre aller chier sur une tombe ou relire « légumes des jours » de Boris Vian. J’avais été très imprudent, grisé par la douce saveur d’une salade de fruit, jolie, jolie, je m’étais laissé piéger par le tourbillon du temps qui passe et repasse sans cesse. Une fois endormi, j’ai rêvé que fébrile, en manque de viande, je composai le numéro de ma bouchère, celle qui a toujours une Morteau entre les jambes, sans succès. Je réunis mes dernières forces, dévalai les escaliers et me dirigeai vers un bar où je savais que l’on pouvait trouver de la charcuterie de contrebande. C’était la première fois que j’étais réduit à une telle extrémité. Mes jambes tremblaient de tous leurs membres, moitié à cause de la peur, moitié à cause de la faiblesse qui envahissait mes membres comme on envahirait la Pologne, moitié pour rajouter un peu à l’intensité dramatique. Je me traînai sur le sol. A bout de forces, je parvins à atteindre le comptoir quand deux gorilles me mirent à la porte sans ménagement. Je me résignai donc à rentrer, la mort dans les lames de ton parquet. Chez moi, je me mis à tourner en rond comme un furet dans sa cage. Je fouillai le frigo, tentant d’y retrouver un peu de tête de veau périmée. C’est au moment où je m’effondrais sur le sol que je découvris Bogdan, un légume tétraplégique, il était bon Bogdan, mais le plus dur à mixer dans le légume c’est le fauteuil roulant !!!

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